Il y aurait nombre de critiques à formuler à l'encontre de Michel Henry, philosophe français du 20ème siècle. Sa confusion entre travail et activité, conduisant à une utilisation apologétique du premier concept (même s'il oppose "travail subjectif" ou "travail vivant" au "travail abstrait" : bref, Michel Henry oppose un pôle du travail capitaliste à un autre, comme beaucoup d'auteurs), par exemple. Il n'en reste pas moins un auteur très intéressant, avec sa brillante réinterprétation de Marx et avec son concept de "vie". Cette dernière, subjective, concrète et qualitative, il l'oppose au totalitarisme, aux abstractions "communistes" (matérialisme historique, lutte de classes, ect) et "capitalistes" (valeur, argent, ect), formes de domination impersonnelle. C'est d'ailleurs parce que, comme il l'explique, c'est sur du travail qu'est fondé notre société de valeur, qu'il annonce en 1990, dans son ouvrage Du communisme au capitalisme, l'effondrement à venir du capitalisme, à l'heure de son présumé triomphe (un pari à contre-courant que fera également Robert Kurz), parce qu'à l'instar de l'URSS, celui-ci a oublié son fondement subjectif ("travail vivant") en remplaçant ce dernier par des machines. Même si son explication est purement métaphysique, contrairement à celle de Robert Kurz, son audace théorique mérite d'être soulignée.
Dans son Marx, il tente de nous faire découvrir un autre Marx, pas celui du marxisme (qu'il définit d'ailleurs comme "l'ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx") objectiviste et économiste, mais celui qui découvre et défend "l'individu concret" (nous préférerions à ce concept celui de "subjectivité concrète", l'individu n'était que l'atome du système capitaliste) face aux abstractions objectives et impersonnelles dominantes du capitalisme ; et qui, contre l'économie politique, pointe une différence fondamentale entre "travail" (encore une fois, nous préférons l'emploi du terme "activité" ou "praxis") subjectif, vivant, concret, qualitativement différent et travail objectif, mort, abstrait, qualitativement égal, distinction au fondement de notre société. Michel Henry montre également que Marx, en plus d'être subjectiviste (et non objectiviste, où c'est l'objet - classes sociales, rapports de production, ect - qui prime, comme chez Engels par exemple), ne rédige pas une économie politique critique mais une critique de l'économie politique : pour Michel Henry, Marx imagine et souhaite un monde subjectif, vivant, concret, sans abstractions économiques (valeur d'échange, travail abstrait, argent, marchandise, ect). Bien évidemment, Michel Henry évacue-là une grande partie de l’œuvre "marxiste" (celle du Manifeste du parti communiste par exemple) de Marx, ce qui d'une part est problématique car peut être un peu trop apologétique ; mais d'autre part qui permet de (re)découvrir un aspect méconnu de l’œuvre de Marx (sa partie plus radicale, plus subjectiviste, plus philosophique, donc plus intéressante et plus actuelle).
Michel Henry, sur l'économie, est d'ailleurs l'auteur d'un brillant article intitulé Penser philosophiquement l'argent.
Michel Henry propose également une brillante critique du scientisme dans cet article et dans son ouvrage La Barbarie.
Bref, c'est parce qu'il propose une réinterprétation originale de Marx qu'il faut découvrir Michel Henry, et non pas en dépit de son originalité qui l'a longtemps mis au ban des penseurs marxiens.
Pour d'autres approches de Michel Henry : Michel Henry, un Marx méconnu ; présentation de Michel Henry par Palim Psao
Différents sites sur Michel Henry :
http://amichelhenry.free.fr/
http://www.michelhenry.org/
http://societemichelhenry.free.fr/